dimanche 27 mai 2012


Jours de la suite et fin

Quelque part dans ma chambre se trouve ma bulle ou est-ce dans mon salon ou pourquoi pas sur ma couche?
Je ne la cherche pas vraiment, j’attends qu’elle me repère.
Mon corps est revenu, heureux d’atterrir enfin.
La faim et la soif de voir, d’entendre, de sentir, de goûter, de découvrir, de s’émerveiller sont finalement repues.
La satiété est à son comble. Le temps et l’espace sont maintenant miens. Doucement, ces milliers d’images cesseront leur danse tourbillon.

Les essoufflements des cimes, les genoux en compote, de frissons de neige, les vertiges des falaises, reprendront leur
juste place, celle du prix à payer pour tant de splendeurs, de surprises, d’émerveillements, de joies.

Que dire de ces amitiés de passages. Elles aussi n’ont une place que dans cette capsule d’une autre vie, dans cet ailleurs incomparable. Ma vie est celle d’une autre planète, la leur l’est tout autant. Tout nous est étranger, inconnu, inconcevable.

 Et le merveilleux de cette différence inconciliable est bien que ni l’un ni l’autre ne troqueraient sa place. Aucun regret, aucune envie. L’ouverture du regard, tout simplement. Impossible d’aller plus loin. Affirmer, comprendre, juger, accepter et rejeter ne sont que prétentieuses infamies.

             Je préfère fermer les yeux et visionner mon moulin à images où se bousculent, se piétinent et se      taquinent les sans-abris dormant côte à côte sur les trottoirs de Mumbaï, les enfants rieurs accrochés aux fenêtres du bidonville de Dharavi, le lavoir des Intouchables de Kochin




la grande prêtresse de Trivandrum qui m’a fait remettre deux roses pour l’avoir saluée dans la file à notre arrivée, la ville rose de Jaipur avec ses centaines de marchands


et son palais musée, les fabriques de tapis et de tissus d’Ajmer, 


les temples sculptés à même les cavernes de Elephant Island, de Nasik, d’Ellorah, de Bebur, de Halibad et celui si impressionnant de Scavanabelagila, l'humble Taj Mahal des pauvres d’Aurangabad,


Comment laisser s’estomper le souvenir de ces palais hallucinants de Mysore, 
des musées de l’histoire de ces peuples de Kochin




                  de la balade en pirogue dans le sanctuaire d’oiseaux de Goa


                                 ou du parc féérique, des fleurs fait main 



                                        et du jardin botanique d’Ooty, 



           de la journée passée à planter mes orteils dans le sable de la plage de Goa,


  
                                   de la radonnée surprenante dans les backwaters d’Alappuzha, 




                                           de la farniente  du bord de mer à Varkala, 



de la visite claustrophobique du temple musulman d’Ajmer avec ses dévôts passionnés, de ce séjour génial dans la séduisante ville Udaipur avec son City Palace Museum le plus vaste palais du Radjastan, de la forteresse de Kumbalgarh, du Shaumukaha Mander ce temple inouï de mille-quatre-cent-quarante-quatre différentes colonnes sculptées dans le marbre blanc sis à Ramkpur, 


du fort du maharaja de Jodpur, 



et de ce fameux désert du Thar chevauchant nos dromadaires Robert et Rocket, 
où cette nuit sous les étoiles est pour toujours gravée sur ma rétine, 





de Katmandou la belle et ses voisines Bkatapur et Patan, porteuses 
d’un héritage architectural magnifique, 




    de l’Annapurna la splendide 



 et de son port d’attache Pokhara, de Tansen et ses interminables côtes en face de singe, 
 de Lumbini et son Bouddha vénéré, 


                             de Sauhara et sa jungle mythique, havre de repos et de fascination


                           et finalement de Nagarkot, poste d’observation du majestueux Everest?



Comment oublier ces transits épiques en train vers Hassan et Kochin, celui plutôt hallucinant escaladant la montagne à thé menant à Ooty et celui qui descendait ses escarpements à couper le souffle,



                                                     
ceux non moins sportifs vers Mysore, l’autbus « privé » vers Jaisalmer plein à craquer de gens empilés les uns sur les autres, mais calmes et souriants, cette nuit vers Agra avec son Taj Mahal blanc cristal et son « happy holly » festif et pour le moins follement coloré,

                          

ces chauffeurs/pilotes en mal de Formule1 filant avec aise sur ces routes en épingle, dépassant les camions et autobus comme si ces derniers n’étaient que présence négligeable?

Et tous ces singes, ces chevaux, ces vaches, ces chèvres, ces chiens, ces dromadaires et éléphants qui déambulent librement entre les hommes, les rickshaws, les motos, les camions, les automobiles et les bus.




Et finalement et non les moindres, ces guides fabuleux, 
Charles dans les collines d’Ooty, 


Omar dans le désert du Thar,

                                 

    Dal dans les montagnes de l’Annapurna 


 Bishnu dans les dédales de Katmandou, 




ces hommes de cœur et de passion qui ont guidé nos pas, soutenu notre moral, alimenté de leurs connaissances nos efforts de compréhension de ces gens magiques et de ces lieux étranges.

Les cent jours dans cet ailleurs sont là, indélébiles et rassasiants.
Ils furent les nôtres et les vôtres aussi.
À la prochaine
M

dimanche 8 avril 2012

jeudi 5 avril 2012

Jour 77


Jour 77   Tempêtes et accalmies dans la réserve du Chitwan

Nous avons subi la tempête de sable dans le désert de Thar, la grêle, la pluie et la neige dans le trek de l'Annapurna et voilà t'y pas qu'hier ce fut l'orage en règle dans notre refuge de la jungle. L'humidité s'accumulait sous la chaleur torride des quarante-deux degrés Celsius qui nous accablait depuis plusieurs jours. Et le vent s'est levé vers la fin de l'après-midi, et plus encore au point où le proprio faisait ramasser tous les coussins des chaises et les nappes et les chaises mêmes. Le ciel s’assombrissait au point où il faisait presque noir à 17 h. Les éclairs et le tonnerre s'en donnaient à boum joie, et la grêle alouette et les trombes de pluies qui claquaient à nos fenêtres. Cela a duré toute la nuit.

Un splendide spectacle, moi qui adore les orages. Les touristes coincés dans la jungle l'ont trouvé moins drôle. Quel contraste cette nature furieuse avec celle qui prévalait lors de notre expédition en pirogue d’il y a deux jours. Elle aussi fut magnifique. Le soleil du petit matin, tout de rouge vêtu, perçait à peine la brume qui nous enveloppait. La rivière s'étirait devant nous tel un long ruban tantôt virant à droite, tantôt à gauche, tantôt de petits rapides, tantôt des eaux plus profondes. Le silence, si précieux ici, n'était perturbé que par les chants d'oiseaux et les échanges ornithologiques entre JC et notre guide. J'agissais comme interprète entre les deux, l'un prononçant à peine ses mots,
l'autre tout envoûté qu'il était dans son observation de la forêt ou de la savane, les jumelles bien collées aux yeux. Cela a duré près de trois heures continues, à part les quelques pauses pipi du guide.

Les paysages étaient surprenants. Ces immenses troncs d'arbres qui jonchaient les étendues de roches y avaient échoué à la dernière mousson. Le courant qu'il a fallu pour les y déposer donne une bonne idée de l'envergure du torrent. Ailleurs, un immense crocodile est bien installé sur la berge et pond son œuf. Tout près, un vieux couple surveille et attend le moment pour aller cueillir leur prochaine omelette.

Effarant! Notre glissade aquatique se poursuit au rythme du couvrant et des poussées de notre habile pagayeur.

Il m'est encore une fois difficile de décrire ce grand moment de paix. J'adore me promener sur l'eau, la sentir me glisser entre les doigts, humer son parfum de fraîcheur, me laisser bercer par le rythme de son courant, me faire ballotter dans ses courts rapides rocheux. Je suis dans mon élément. Une douce paresse coule dans mes veines. C'est un moment de bonheur.

C'est juré. Nous recommençons l'expérience. Pourquoi pas mettre deux boules sur mon cornet népalais; une délicieuse gourmandise non?

La jungle

La jeep qui nous plonge de plus en plus au cœur de cette jungle n'est pas tendre avec ses passagers. Les chemins de terre sont défoncés et ça brasse. Cette jungle n'a rien à voir avec celle du Belize ou du Chiapas. Celle-ci était dense, à n'y rien voir à cinq mètres, embrouillamini extraordinaire de larges feuilles, de fougères, d'herbes géantes, d'arbres énormes et de lianes. Que du vert! Ici la densité n'est plus là, on y voit facilement à vingt mètres et plus. C'est la saison sèche, les longues herbes ont pratiquement disparues, les fougères aussi. Une grande partie des arbres voient leurs feuilles jaunir et tomber. La poussière soulevée par les véhicules se dépose sur les végétaux. Nous traversons de longs espaces qui ont brûlé au sol, pour régénérer nous dit le guide. À certains endroits ça fume encore, ce qui est loin d'être un atout pour apercevoir des animaux.

Pourtant, des animaux il y en a: tigres, rhinocéros, ours lupus, cerfs, singes, oiseaux de toutes sortes, dont des paons et des coqs sauvages. Nos compagnons de jeep sont un couple de jeunes libanais dont le type à passé six mois à Montréal dans une école de design, et un américain de l'Iowa qui pose sans arrêt des questions stupides à notre guide, des questions qui nous rappellent celle de Max, à trois ans: "papa, il y a combien d'arbres sur cette montagne?".

Trois heures de promenade cahoteuse nous permettent de voir plusieurs cerfs, des singes et surtout deux rhinocéros, des vrais, en chair et en os. Les tigres sont plus loin, en plein cœur de la jungle, et les ours lupus, mieux vaut ne pas trop en voir: notre guide nous a montré la blessure impressionnante qu'il a au mollet droit, gracieuseté d'un de ces ours qui, décidément, n'aiment pas trop les humains. Il s'en est sorti par miracle et a une jambe amochée pour la vie. Il nous a raconté aussi son face à face avec un tigre du Bengale, un duel de regard qui a duré une vingtaine de minutes, une éternité, et que le passage d'un cerf a clôturé: le tigre a préféré la proie à quatre pattes.

Les oiseaux pullulent dans cette jungle, même si nous ne sommes pas aux meilleures heures pour les apercevoir. Chemin faisant nous apercevons entre autres quelques marabouts dans leur nid et une vingtaine de paons majestueux aux couleurs chatoyantes.

Le lendemain, c'est à dos d'éléphant que nous pénétrons dans cette jungle. Une caravane de pachydermes, quinze ou vingt, chacun transportant au moins quatre touristes curieux et un cornac blasé. La promenade nous rappelle un certain bout de chemin fait à dos de dromadaires dans le désert du Thar, en Inde. Heureusement la forêt est plus propre ici car les bêtes ne génèrent pas de poussière, c'est plus dense aussi, nous ne sommes pas dans les basses terres ou la savane. Des coqs sauvages et des cerfs sont aperçus, ça et là, mais c'est surtout le rhinocéros qui se vautre dans une mare boueuse, se laissant admirer par les touristes, toujours aussi curieux, grimpés sur leur éléphant qui font la queue, qui sera le clou de la randonnée. En blague, nous nous mettons à la place du rhino et disons: "Tiens, 17h00, vite à la mare boueuse car les touristes vont arriver d'un instant à l'autre!" Une promenade qui fait un peu pas mal Walt Disney, mais nous cochons sur notre liste un troisième rhinocéros.