Jour 66
Rythmes
Ce matin au déjeuner, nous avons décidé que les
trois semaines à venir seraient des vacances. Il ne reste qu'environ quatre
destinations népalaises à faire et donc, nous avons tout notre temps. Le rythme
change donc. Génial!
Rythme du corps
Respirer par le nez, ne pas manger ses bas, pas de
broue dans le toupet, prendre ça relaxe, y aller mollo, laisser au temps le
temps de prendre son temps. Une des merveilles inestimables de la retraite.
Dans la montagne il y a quelques jours, un certain
rythme s'est imposé comme maître absolu. Prendre chacune à leur tour marche
après marche, m'arrêter, reprendre mon souffle, écouter l'énergie revenir,
reprendre la cadence. C'est mon corps qui décide. C'est lui qui donne le «go», je peux continuer, encore
quelques marches de plus. À la fois un exercice d'humilité face à une limite
incontournable, mais aussi un de fierté, de respect. Ne pas m'affoler, laisser
JC gambader comme un jeune chevreau, accepter et même me réjouir de la présence
de Dal notre guide, là tout près derrière, comme mon ombre.
Il veille sur moi ce Dal, à la manière d'un ange
gardien qui surveille chacun de mes pas et qui s'affole lorsque mon pied paresseux
bute sur un caillou. Je pourrais bien être sa mère puisqu'il n'a pas encore
quarante ans. D'ailleurs, il m'appelle «mama». Pour chacun de nous, ceci est
une expérience nouvelle et unique. Un fils accompagnant une mère dans sa
montagne à lui, sur ses sentiers et dont il surveille chacun de ses pas. Une
mère accompagnée et protégée par un fils qui tend le bras chaque fois que
l'équilibre fait défaut ou que le pied traîne un peu trop et rencontre un
obstacle. Rien dans ce rapport ne m'irrite, moi, la grande fille autonome.
Ici, c'est la montagne qui décide de sa pente, de
ses escarpements, de ses éboulis. C'est aussi mon corps qui décide de ses
vertiges, de ses essoufflements, de sa lourdeur, de son épuisement. C'est cela
bien sûr, mais beaucoup plus encore.
Lors de ces pauses obligées, si brèves soient-elles,
mon regard s'envole dans l'immensité du paysage, il se pose sur ces minuscules
fleurs bleues qui se pointent dans les fissures des rochers, il balaie
l'horizon et son absolue immensité qui s'étire d'un sommet neigeux à l'autre,
il s'engouffre dans la mousse des arbres immenses, il s'accroche au visage
curieux de l'enfant rêveur, à celui de cette vieillarde transportant sur son
dos un immense panier débordant de feuillage pour nourrir son bœuf. Ces pauses
sont aussi l'occasion pour Dal et moi de faire jasette. Un tronc d'arbre
calciné et nous discutons de feux de forêt, des grains de maïs sur notre route
et nous salivons à l'idée de déguster un bon épi, une immense ruche d'abeille
accrochée à la cime d'un arbre et nous jasons d'apiculture et de l'importance
des abeilles sur notre petite planète. Et nous reprenons la route, et mon
souffle suit, et mes jambes, et ma tête, alouette!
Et toujours nous arrivons au but. Moins vite que
tous les autres, que JC bien sûr, mais nous arrivons quand même. Fourbus mais
contents.
Nous avons gagné. Surtout, nous avons compris
comment si prendre pour apprivoiser un peu plus l'Annapurna et ses fichus
escaliers.
Rythme du voyage
Nous voyageons toujours sur le mode nomade. Un jour
à la fois, pas d'organisation encombrante, la découverte d'abord, les décisions
ensuite. Les voyages en groupe télécommandés ne sont pas notre tasse de thé.
Nous bougeons beaucoup, à notre convenance, dans la direction qui nous sied. Nous
changeons d'idée régulièrement dépendant des circonstances, du temps qu'il
fait, des gens que l'on rencontre, de la fatigue ou du plaisir. La bousculade
nous irrite. Le temps qui s'étire nous réjouit. Voilà bien notre modus
vivendi.
Ce voyage ne fait pas exception. Des choses à faire,
des lieux à visiter, il y en a des centaines. Et on en a bien vu plusieurs. Des
splendides, des délirants, des hallucinants, des décevants aussi. L'important
est surtout d'apprécier. La saturation vient vite et une fois installée, plus
rien ne colle
à la rétine. Ma jouissance tient à ce rythme imprévisible, paresseux à ses heures, énergique et vaillant à d'autres.
à la rétine. Ma jouissance tient à ce rythme imprévisible, paresseux à ses heures, énergique et vaillant à d'autres.
Et maintenant, voilà que nous sommes au ralenti.
Trois jours dans ce petit village de Tansen, demain, un taxi vers Lumbini, le
village des Bouddhas. Pour combien de jours? On verra bien rendu sur place.
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