mardi 27 mars 2012

Jour 66


Jour 66                      Rythmes

Ce matin au déjeuner, nous avons décidé que les trois semaines à venir seraient des vacances. Il ne reste qu'environ quatre destinations népalaises à faire et donc, nous avons tout notre temps. Le rythme change donc. Génial!

Rythme du corps
Respirer par le nez, ne pas manger ses bas, pas de broue dans le toupet, prendre ça relaxe, y aller mollo, laisser au temps le temps de prendre son temps. Une des merveilles inestimables de la retraite.

Dans la montagne il y a quelques jours, un certain rythme s'est imposé comme maître absolu. Prendre chacune à leur tour marche après marche, m'arrêter, reprendre mon souffle, écouter l'énergie revenir, reprendre la cadence. C'est mon corps qui décide. C'est lui qui donne le «go», je peux continuer, encore quelques marches de plus. À la fois un exercice d'humilité face à une limite incontournable, mais aussi un de fierté, de respect. Ne pas m'affoler, laisser JC gambader comme un jeune chevreau, accepter et même me réjouir de la présence de Dal notre guide, là tout près derrière, comme mon ombre.

Il veille sur moi ce Dal, à la manière d'un ange gardien qui surveille chacun de mes pas et qui s'affole lorsque mon pied paresseux bute sur un caillou. Je pourrais bien être sa mère puisqu'il n'a pas encore quarante ans. D'ailleurs, il m'appelle «mama». Pour chacun de nous, ceci est une expérience nouvelle et unique. Un fils accompagnant une mère dans sa montagne à lui, sur ses sentiers et dont il surveille chacun de ses pas. Une mère accompagnée et protégée par un fils qui tend le bras chaque fois que l'équilibre fait défaut ou que le pied traîne un peu trop et rencontre un obstacle. Rien dans ce rapport ne m'irrite, moi, la grande fille autonome.

Ici, c'est la montagne qui décide de sa pente, de ses escarpements, de ses éboulis. C'est aussi mon corps qui décide de ses vertiges, de ses essoufflements, de sa lourdeur, de son épuisement. C'est cela bien sûr, mais beaucoup plus encore.

Lors de ces pauses obligées, si brèves soient-elles, mon regard s'envole dans l'immensité du paysage, il se pose sur ces minuscules fleurs bleues qui se pointent dans les fissures des rochers, il balaie l'horizon et son absolue immensité qui s'étire d'un sommet neigeux à l'autre, il s'engouffre dans la mousse des arbres immenses, il s'accroche au visage curieux de l'enfant rêveur, à celui de cette vieillarde transportant sur son dos un immense panier débordant de feuillage pour nourrir son bœuf. Ces pauses sont aussi l'occasion pour Dal et moi de faire jasette. Un tronc d'arbre calciné et nous discutons de feux de forêt, des grains de maïs sur notre route et nous salivons à l'idée de déguster un bon épi, une immense ruche d'abeille accrochée à la cime d'un arbre et nous jasons d'apiculture et de l'importance des abeilles sur notre petite planète. Et nous reprenons la route, et mon souffle suit, et mes jambes, et ma tête, alouette!

Et toujours nous arrivons au but. Moins vite que tous les autres, que JC bien sûr, mais nous arrivons quand même. Fourbus mais contents.

Nous avons gagné. Surtout, nous avons compris comment si prendre pour apprivoiser un peu plus l'Annapurna et ses fichus escaliers.

Rythme du voyage
Nous voyageons toujours sur le mode nomade. Un jour à la fois, pas d'organisation encombrante, la découverte d'abord, les décisions ensuite. Les voyages en groupe télécommandés ne sont pas notre tasse de thé. Nous bougeons beaucoup, à notre convenance, dans la direction qui nous sied. Nous changeons d'idée régulièrement dépendant des circonstances, du temps qu'il fait, des gens que l'on rencontre, de la fatigue ou du plaisir. La bousculade nous irrite. Le temps qui s'étire nous réjouit. Voilà bien notre modus vivendi.

Ce voyage ne fait pas exception. Des choses à faire, des lieux à visiter, il y en a des centaines. Et on en a bien vu plusieurs. Des splendides, des délirants, des hallucinants, des décevants aussi. L'important est surtout d'apprécier. La saturation vient vite et une fois installée, plus rien ne colle
à la rétine. Ma jouissance tient à ce rythme imprévisible, paresseux à ses heures, énergique et vaillant à d'autres.

Et maintenant, voilà que nous sommes au ralenti. Trois jours dans ce petit village de Tansen, demain, un taxi vers Lumbini, le village des Bouddhas. Pour combien de jours? On verra bien rendu sur place.


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