Nous sommes enfin arrivés au Kerala. De Ooty à Kochi, trois voyages de train se sont imposés: le train miniature, la distance entre Mettupalayan et Coimbatore, dodo en face de la gare au Legends Inn, et puis de là jusqu'à Kochin, notre premier arrêt dans cette nouvelle province qui longe la mer Arabique et donne accès aux fameux "back waters". Mais d'abord le train miniature.
Ce train et le trajet est classé patrimoine mondial, et pour cause. En service depuis le milieu du XIXe siècle pour permettre le transport du thé, il franchit sur trente kilomètres une dénivellation de 2 100 mètres en 3h30! Petit train avec locomotive antique qui carbure au diesel, avec des banquettes qui en font toute la largeur, 6 places en deuxième classe, quatre en première. Celle-ci est fortement recommandée vue notre stature d'occidentaux. La moitié du trajet se fait lentement, dû au fait qu'une roue centrale dentelée amovible descend de la locomotive pour épouser un rail central aussi dentelé afin de permettre la locomotion sécuritaire en pareille dénivellation. Quels coup d'oeil dans ces escarpements vertigineux. En face de nous sur la banquette, une française d'origine malgache se laisse admirer: quel coup d'oeil vertigineux. Les autres trains étaient toutefois moins spectaculaires. Par contre, nous avons trouvé le truc pour les voyages en train standards: prendre des voitures "sleeper", plus confortables et surtout moins tassées.
Notre arrivée à Kochi se fait en début d'après-midi. Le Delight Home Stay est impeccable, air climatisé rafraîchissant une chambre immense. La ville est nettement plus touristique que tout ce que nous avons rencontré jusqu'ici. Restos et boutiques se succèdent allègrement dans Fort Cochin, ville/quartier historique où nous créchons. Visites de quelques palais pas aussi somptueux que celui de Mysore, mais enfin...
L'activité la plus intéressante restera le spectacle de Kathakali, une version théâtrale traditionnelle, datant du XVIIe siècle où se joue l'histoire mythologique des dieux hindous, Krishna, Rama et compagnie. La pièce complète dure toute la nuit, mais ici on en fait quelques extraits qui prendront 90 minutes. Le maquillage des acteurs, essentiellement masculins, est très important et se fait sur scène pendant au moins 90 minutes avant la représentation. Et quels maquillages! En plus de la peinture rouge, jaune, vert, bleu et blanc, des "postiches" en papier blanc sont collés sur les visages de trois des acteurs, symbolisant pour l'un une barbe et pour les autres une sorte de bajoues prohéminentes. Trois musiciens accompagnent les acteurs directement sur scène, deux tambours et joueur de petites symbales/chanteur. Les acteurs restent muets, à part quelques cris. Tout se passe par l'expression du visage et la gestuelle, le tout rehaussé par des costumes très amples et colorés, chacun des personnages portant une grande jupe et des coiffures saisissantes, s'apparentant aux couronnes que portent les dieux dans la plupart des sculptures traditionnelles. Bataille, scène de séduction et célébration de la victoire composent le menu dramatique.
Trois jours plus tard, le trajet jusqu'à Alleppey s'est fait en taxi et nous sommes descendus au Sona Héritage Home, une superbe maison traditionnelle juste un peu en dehors de la petite ville tonitruante. Le maître des lieux, Mister Joseph, à la parole facile et est d'une expressivité qui tient presque du Kathakali. La deuxième journée fut très bien remplie avec une croisière dans les "back waters" et un massage ayurveda. Les "back waters" sont un réseau de canaux et de lacs qui cumulent 900 kilomètres (!) de voies navigables, s'étendant sur une centaine de kilomètres en parallèle à la côté. Quatre heures durant nous avons sillonné ces canaux, observant les centaines de gens qui vivent de chaque côté ou sur les innombrables îles qui parsèment le trajet. Écoles, hôpital, dépanneurs, temples sont présents: les grands absents sont les autos, les camions et les routes. Tout se fait en bateau, le transport en commun, le transport des marchandises ainsi que les bateaux et canoës privés. La plupart des habitants de ces lieux humides vivent de la culture du riz, étendues vertes presque à perte de vue le long de certains canaux.
L'activité économique de la région est grandement supportée par le tourisme. Juste à Alleppey, on compte environ 1 000 "house boats" qui permettent aux locataires de s'évader sur l'eau entre une et sept journées. Certains peuvent accueillir deux personnes, d'autres une vingtaine. Ces bateaux sont de tous formats, certains énormes, à deux étages, d'autres nettement plus réduits. Tous ont une cuisine et une salle à dîner. Plusieurs ont l'air climatisé, des terrasses ombragées, des fenêtres latérales panoramiques luxueuses. Louer une de ces embarcations est cher, au moins 150$ par jour, capitaine et cuisinier compris. Cette architecture navale est exceptionnelle car les parois extérieures sont des treillis de joncs serrés aux courbes très esthétiques. De toute beauté. Nous avons pris des dizaines de photos.
À notre retour sur la terre ferme, nous nous sommes rendus à un centre médicinal ayurveda pour un massage limphatique d'une durée d'une heure. Les hommes avec les hommes, les femmes avec les femmes. Tout le corps y passe, allègrement badigeonnés d'huiles végétales thérapeutiques chaudes. Ce sont ces huiles qui donnent les vertus thérapeuthiques à la chose en imprégnant l'épiderme. La clôture de la séance se fait par une douche à l'eau chaude orchestrée par le masseur ou la masseuse. Les détails de ce massage, surtout le mien, se fera de vive voix car ils pourraient paraître "intimes" pour les lecteurs non-avertis.
Le quatorze février à vu notre départ vers Varkala, site balnéaire exceptionnel. Quel belle activité pour célébrer notre vingthuitième anniversaire de rencontre sur l'oreiller.
Depuis notre arrivée au Kerala, on dirait que nous visitons un autre pays... Je pense qu'il doit y avoir une dizaine au moins de pays différents dans cette Inde qui nous charme et nous surprend à tous les jours.
JCSH