samedi 11 février 2012

Jour 18


Jour 18          Dix kilomètres d'arrière-pays

Merci à Michel Pleau pour m'avoir donné la permission du calque, à Gil Adamson pour son livre À l’aide Jacques Cousteau, à Hazel pour la magie de son regard.

La fraîcheur du matin s'évanouit sous le brûlant soleil de 9 h 30. La nuit à été bonne, le lever précoce, le déjeuner délicieux.

Ils étaient inquiets ces sept serveurs qui n'arrivaient pas à brancher la bonbonne au gaz pour faire cuire les œufs. Tous d'une politesse et d'une serviabilité gênantes, c'est tout juste s'ils ne nous nourrissent pas à la petite cuillère.

Le guide arrive à l'heure, tout endimanché, souliers de ville, pantalon de toile. JC et moi avons l'air de deux grands aventuriers, déguisés que nous sommes dans notre accoutrement de grands marcheurs. On part donc à pied de l'hôtel, montons encore plus haut et plus loin la côte. Le pas est bon, le soleil tape, l'air est rare, je suis vite essoufflée à cette altitude de deux-mille-deux-cent-quarante mètres. Je fais mémé emphysémique.

Une maison-hutte sur le bord du chemin, un vieux monsieur assis devant, on pique vers le bois, en contrebas une femme cueille des feuilles d'eucalyptus séchées, les arbres sont ici aussi très très grands. Nous suivons un sentier bien balisé utilisé par les travailleurs, les marchands, les enfants. Il est désert à cette heure. Ces gens doivent se lever encore plus tôt que moi. Quand je suis debout à la barre du jour, je m'étonne toujours de constater que je ne suis pas la seule personne éveillée. Faut croire que la vie bat son plein, quelle que soit l'heure du jour.

Je ne suis pas comme mon avatar Hazel, celle qui a le talent d'entendre les conversations à travers trois murs. Par contre, je ramasse comme des pissenlits les mille questions qui surgissent dans ma tête et je les pose sans gêne. Ainsi j'apprends toutes sortes de choses sur la vie dans ce coin de la planète. Ce monsieur «guide chic» doit me trouver bien curieuse, mais répond quand même à chacune d'elles.
J'apprends que le thé se cueille aux trois semaines, qu'il y a trois récoltes par été, que les carottes, les radis blancs, les choux-fleurs magnifiques, les patates et les pois, sont cultivés dans cette région, que ces légumes sont généreusement traités aux insecticides et sont voués à l'exportation, que les paysans vivent bien, qu'ils reçoivent vongt kilos de riz par année du gouvernement, qu'il est copain avec le père de la jeune femme qui a été assassinée par son mari chômeur-dépressif, que celui-ci ira en prison pour au moins dix ans, que les effigies suspendues sous le porche des maisons nouvellement construites visent à en éloigner les mauvais esprits, que dans le même ordre d'idées, il y a de peints sur la devanture de tous les camions deux yeux qui servent à les protéger des face à face. Est-ce que j'arrête ou si je continue??? Comme dans la chanson. Je décide quand même d'arrêter, après tout, c'est moi qui décide. Si vous voulez en savoir plus, vous n'avez qu'à venir faire, vous aussi, ces dix kilomètres de marche avec Charles, le guide chic. Nous avons donc marché dans la forêt, sur la route, dans les champs.

Nous sommes arrêtés deux fois dans un petit stand de thé, assisté à deux cérémonies religieuses hindoues avec tambours et danses, pris beaucoup de photos de plantations de thé et de carottes, d'enfants se bousculant pour être immortalisés dans notre caméra, d'une vache aux cornes bleues. J'en ai même vu une, genre Holstein, dont les taches blanches étaient toutes peintes en jaune. Cela lui faisait un beau genre et elle paraissait très coquette.

Je reviens sur ma résolution d'il y a quelques lignes et je vous informe que tous les 25 janvier, c'est la fête des vaches. On les lave, les peint de toutes sortes de couleurs, leur installe une nouvelle cloche et une nouvelle corde aux naseaux et on les nourrit avec de bonnes choses comme du miel et des biscuits. Le reste de l'année, on les laisse se promener librement sur les accotements des routes en espérant que les chauffeurs aient de bons freins.

J'ai beaucoup aimé cette aventure. J'espère que vous aussi. Petite réserve cependant : et si tout ce que notre guide endimanché m'a raconté n'était que bobards... Moi, si je faisais son travail j'aurais beaucoup de peine à résister à la tentation...

Demain, on prend le petit train qui descend pendant quatre heures notre immense et haute montagne. J'espère bien ne pas avoir le vertige. Où alors, il faudra que je me raconte encore tout plein d'histoires pour me faire penser à autre chose et espérer que cela fonctionne.

Merci encore Michel, Gil et Hazel pour votre permission, votre talent et votre magie.

J'allais oublier, voici une petite douceur indienne, tirée de ce dernier roman de Gil Adamson, À l'aide Jacques Cousteau:
« À Bombay, Bishop, jeune homme, s'est appuyé contre le hublot de la cuisine d'un paquebot de luxe, a reposé ses bras fatigués sur une pile de pains de savon et écouté l'étrange vrombissement de la ville. Il l'intriguait, ce son, ni mécanique ni semblable à celui du vent. Il ne ressemblait à rien de ce qu'il avait entendu jusque-là. Et puis son esprit a reconnu des voix humaines, des dizaines de milliers de voix humaines qui, venues des marchés et des rues, se déversaient dans le port, flottaient sur l'eau.»
Que le hasard fait drôlement les choses n'est-ce pas....


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