Jour 18 Dix
kilomètres d'arrière-pays
Merci à Michel Pleau pour m'avoir donné la
permission du calque, à Gil Adamson pour son livre À l’aide Jacques Cousteau, à Hazel pour la magie de son
regard.
La fraîcheur du matin s'évanouit sous le brûlant
soleil de 9 h 30. La nuit à été bonne, le lever précoce, le déjeuner
délicieux.
Ils étaient inquiets ces sept serveurs qui
n'arrivaient pas à brancher la bonbonne au gaz pour faire cuire les œufs. Tous
d'une politesse et d'une serviabilité gênantes, c'est tout juste s'ils ne nous
nourrissent pas à la petite cuillère.
Le guide arrive à l'heure, tout endimanché, souliers
de ville, pantalon de toile. JC et moi avons l'air de deux grands aventuriers,
déguisés que nous sommes dans notre accoutrement de grands marcheurs. On part
donc à pied de l'hôtel, montons encore plus haut et plus loin la côte. Le pas
est bon, le soleil tape, l'air est rare, je suis vite essoufflée à cette
altitude de deux-mille-deux-cent-quarante mètres. Je fais mémé emphysémique.
Une maison-hutte sur le bord du chemin, un vieux
monsieur assis devant, on pique vers le bois, en contrebas une femme cueille
des feuilles d'eucalyptus séchées, les arbres sont ici aussi très très grands.
Nous suivons un sentier bien balisé utilisé par les travailleurs, les
marchands, les enfants. Il est désert à cette heure. Ces gens doivent se lever
encore plus tôt que moi. Quand je suis debout à la barre du jour, je m'étonne
toujours de constater que je ne suis pas la seule personne éveillée. Faut
croire que la vie bat son plein, quelle que soit l'heure du jour.
Je ne suis pas comme mon avatar Hazel, celle qui a
le talent d'entendre les conversations à travers trois murs. Par contre, je
ramasse comme des pissenlits les mille questions qui surgissent dans ma tête et
je les pose sans gêne. Ainsi j'apprends toutes sortes de choses sur la vie dans
ce coin de la planète. Ce monsieur «guide chic» doit me trouver bien curieuse,
mais répond quand même à chacune d'elles.
J'apprends que le thé se cueille aux trois semaines,
qu'il y a trois récoltes par été, que les carottes, les radis blancs, les
choux-fleurs magnifiques, les patates et les pois, sont cultivés dans cette
région, que ces légumes sont généreusement traités aux insecticides et sont
voués à l'exportation, que les paysans vivent bien, qu'ils reçoivent vongt
kilos de riz par année du gouvernement, qu'il est copain avec le père de la
jeune femme qui a été assassinée par son mari chômeur-dépressif, que celui-ci ira en
prison pour au moins dix ans, que les effigies suspendues sous le porche des
maisons nouvellement construites visent à en éloigner les mauvais esprits, que
dans le même ordre d'idées, il y a de peints sur la devanture de tous les
camions deux yeux qui servent à les protéger des face à face. Est-ce que
j'arrête ou si je continue??? Comme dans la chanson. Je décide quand même
d'arrêter, après tout, c'est moi qui décide. Si vous voulez en savoir plus,
vous n'avez qu'à venir faire, vous aussi, ces dix kilomètres de marche avec
Charles, le guide chic. Nous avons donc marché dans la forêt, sur la route,
dans les champs.
Nous sommes arrêtés deux fois dans un petit stand de
thé, assisté à deux cérémonies religieuses hindoues avec tambours et danses,
pris beaucoup de photos de plantations de thé et de carottes, d'enfants se
bousculant pour être immortalisés dans notre caméra, d'une vache aux cornes
bleues. J'en ai même vu une, genre Holstein, dont les taches blanches étaient
toutes peintes en jaune. Cela lui faisait un beau genre et elle paraissait très
coquette.
Je reviens sur ma résolution d'il y a quelques
lignes et je vous informe que tous les 25 janvier, c'est la fête des vaches. On
les lave, les peint de toutes sortes de couleurs, leur installe une nouvelle
cloche et une nouvelle corde aux naseaux et on les nourrit avec de bonnes
choses comme du miel et des biscuits. Le reste de l'année, on les laisse se
promener librement sur les accotements des routes en espérant que les
chauffeurs aient de bons freins.
J'ai beaucoup aimé cette aventure. J'espère que vous
aussi. Petite réserve cependant : et si tout ce que notre guide endimanché
m'a raconté n'était que bobards... Moi, si je faisais son travail j'aurais
beaucoup de peine à résister à la tentation...
Demain, on prend le petit train qui descend pendant
quatre heures notre immense et haute montagne. J'espère bien ne pas avoir le
vertige. Où alors, il faudra que je me raconte encore tout plein d'histoires
pour me faire penser à autre chose et espérer que cela fonctionne.
Merci encore Michel, Gil et Hazel pour votre
permission, votre talent et votre magie.
J'allais oublier, voici une petite douceur indienne,
tirée de ce dernier roman de Gil Adamson, À l'aide Jacques Cousteau:
« À Bombay, Bishop, jeune homme, s'est appuyé
contre le hublot de la cuisine d'un paquebot de luxe, a reposé ses bras
fatigués sur une pile de pains de savon et écouté l'étrange vrombissement de la
ville. Il l'intriguait, ce son, ni mécanique ni semblable à celui du vent. Il
ne ressemblait à rien de ce qu'il avait entendu jusque-là. Et puis son esprit a
reconnu des voix humaines, des dizaines de milliers de voix humaines qui,
venues des marchés et des rues, se déversaient dans le port, flottaient sur
l'eau.»
Que le hasard fait drôlement les choses n'est-ce
pas....
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