Jour 10
Mémoire de mer
M'y revoici encore, encore et toujours, devant la
mer et ses vagues puissantes. Cette fois, c'est celle d'Oman. Toujours aussi
magnifique, toujours aussi fascinante, toujours aussi immense. Que ce soit
celle-ci ou ses cousines, l'Égée, celle des Caraïbes, ou celle du Nord ou celle
de la Thaïlande dont j'oublie le nom, ou encore la presque mer du golfe du
Mexique ou ses grands oncles les océans Pacifique et Atlantique, tous et toutes
sous le tumulte de leurs vagues fracassantes, déposent à mes pieds ton souvenir
fidèle. Quarante années déjà depuis que la gourmande Méditerranée a épuisé ton
souffle et t'a restitué inerte, sur la plage d'Annaba. Tu es passé dans ma vie
à la vitesse d'une étoile filante. Trois années bien nourries d'amour, de
passion, de déchirures, de retrouvailles, de réconciliations, de joies, de
projets, de voyages. Dans la folle spirale de nos vingt ans et des années
soixante-dix, nous embrassions tous les deux cette liberté fascinante et
magique.
J'aurai soixante-cinq ans en juin prochain. Mon fils
Max en a vingt-cinq, l'âge que tu avais ce matin du vingt-cinq juin 1972. Si le
destin lui faisait faux-bond comme il te l'a fait, je jetterais ma voix à la
mer et pour toujours garderais silence.
Voilà pour cette trace indélébile qui survit
précieusement dans ma mémoire et qui ressurgit, invariablement fidèle, chaque
fois que je me retrouve devant une mer. Salutations chère âme sœur Claude et surtout
ne crains pas l'oubli. Je te porte dans ma tête et sur ma peau.
Aujourd'hui, nous sommes donc à la plage Calangute,
à quatorze kilomètres de Panjin, dans l'état de Goa. Une plage interminable de
sable blond et farineux où s'égrainent à perte de vue les parasols de palmes
séchées, les chaises longues coussinées servant de devanture aux restaurants
installés en retrait. Les vagues ici sont furieuses. Les sauveteurs vont et
viennent dans leur jeep et rappellent au rivage les baigneurs téméraires. Le journal
de ce matin faisait état de huit sauvetages dans la région de Goa pour hier
seulement. Premier jour de plage dans ce voyage.
Autant nous étions dans l'extrême misère lors de
notre visite du «slum» de Mumbai, autant nous nous retrouvons ici dans la
nature, les palmiers, la mer. Bien sûr, l'effervescence et le tintamarre ne se
lassent pas. Ici, il est tout près dans les rues marchandes menant à la plage.
Mais il y a depuis deux jours, des bulles de silence, de verdure, d'air frais.
Hier, nous avons fait une expédition sur l'île de
Chorao au sanctuaire d'oiseaux du Dr Salime Ali. Une balade sur la rivière
Mandovi dans une embarcation taillée dans un immense tronc d'arbre, une
soixantaine de photos prises par mon ornithologue préféré. Ce fut, il va sans
dire, une journée merveilleuse.
Par contre, demain sera une tout autre affaire.
Départ à
5 h 30 de notre hôtel, train deuxième classe à 7 h 30, cinq heures à vivre sur le mode de la sardine coincée dans une caisse de son, pour enfin arriver à la ville de Mangore sur la côte de l'état du Karnataka.
5 h 30 de notre hôtel, train deuxième classe à 7 h 30, cinq heures à vivre sur le mode de la sardine coincée dans une caisse de son, pour enfin arriver à la ville de Mangore sur la côte de l'état du Karnataka.
Comme quoi les journées se suivent et ne se
ressemblent vraiment pas!
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