Jour 33
Agoraphobes s'abstenir
Qu'elle aventure que cette visite au temple du
Dargah dans la ville d'Ajmer. Un crescendo de foule musulmane où se compactent
femmes, hommes, enfants, tous transportés par une intensité religieuse sans
pareille. Quand je dis «compactent», je veux dire tassé, écrasé, comme une
boîte de sardines avec à l'intérieur, le triple des sardines habituelles. Tous
sont mus par une force qui doit se nommer la foi.
L'objet de ce culte est celui du tombeau d'un saint
soufi, Khwaja Muin-ud-Din Chishti, mort en 1 233. Il est placé au centre du
sanctuaire autour duquel avance à très petit pas ce chapelet de dévots généreux
de ses fleurs et de ses roupies. De cette foule compacte, deux grandes têtes
blanches dépassent de plusieurs centimètres…
Il faut rester calme et se dire que ce n'est pas
aujourd’hui que la panique va bousculer cette foule, ce n'est pas aujourd'hui
qu'un illuminé va se sacrifier pour Allah, qu'un politique va s'insurger de la
présence de ces deux chrétiens curieux. Après tout, nous sommes en Inde, pas au
Pakistan. Dans plusieurs états l'harmonie religieuse entre musulmans, hindous
et chrétiens en est la carte de visite.
C'est bien ce que je me répète comme un mantra,
durant les minutes que dure cette procession. Je n'ai pas eu peur, enfin pas
vraiment. Mais je me suis sentie minorité très visible. Ce que je ressentais
surtout c'est l'impuissance face à cette foule soudée dans sa passion
religieuse. Pas de sourires, que des visages sérieux et concentrés sur leur
rituel pieux. Tout s'est très bien passé. Le danger n'était que dans ma tête de
blanche chrétienne. Cela se nomme immersion.
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